Kaïs Saïed, élu mais pas encore président
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L’entretien télévisé du président tunisien Kaïs Saïed, le 30 janvier, cent jours après son investiture, n’a pas laissé entrevoir les signes d’un président solidement assis dans ses fonctions.

« Si je suis élu, je reviendrai dans cent jours », s’était engagé le candidat Kaïs Saïed à l’issue du dernier débat de la campagne électorale. Le 13 octobre 2019, il accédait à Carthage avec 72,71 % de suffrages des votants, un score très vite surdimensionné par les médias puisqu’il représente en fait 39,25 % du corps électoral.
Cent jours plus tard, Kaïs Saïed se présente aux Tunisiens sur le plateau de la chaîne nationale. Un entretien très attendu à l’issue duquel beaucoup espéraient des réponses à leurs questions et la levée de l’opacité entretenue par le chef de l’État. Une occasion pour lui de présenter l’empreinte qu’il allait apposer à son mandat. La déception a été à la hauteur des espoirs suscités par le candidat Kaïs Saïed. La mue du militant candidat en président n’a pas eu lieu.
Alors que le pays n’a pas de gouvernement, que la guerre est aux frontières, que l’insécurité explose de même que la dette publique, que la faillite se fait plus menaçante, Kaïs Saïed trouve, dans cette interview, le moyen de se mettre à dos l’administration et les institutions de l’État. Mais, encore, il lance une série de micro-polémiques aggravant le sentiment d’anxiété de la population et, surtout, renforçant la méfiance de nos partenaires étrangers. Lui, le président de la République, le premier représentant de l’État, se défie de l’État.
Double langage
Effet immédiat de cette prise de parole : beaucoup de Tunisiens émergent de la béatitude dans laquelle ils avaient plongé face à Kaïs Saïed en période électorale. Pourtant, rien n’a changé. Sa constance et sa persévérance sont la partie émergée d’une rigidité hermétique à toute critique et d’une addiction au populisme comme succédané à toute réflexion politique.
Le président a tenté maladroitement de s’approprier un projet de cité médicale à Kairouan, de se donner un moignon de bilan économique en citant d’obscurs hommes d’affaires qu’il semble rencontrer le soir venu, de rendre cohérent son double langage en alternant déclaration d’attachement et rejet des institutions.